M Kouraich JAOUAHDOU : « 0,5% du budget de fonctionnement municipal doit en principe être alloué aux formations. »




En dépit des évolutions importantes de la vie associative depuis la transition démocratique de 2011, la citoyenneté et demeure un concept-clé difficile à mettre en œuvre dans ce renouveau démocratique et civique.

D’où l’importance actuelle d’analyser le rapport des Tunisiens aux principes de l’État de droit et aux valeurs éthiques et démocratiques sous toutes ses formes afin de redonner sens à l’action collective, le rôle de la participation citoyenne dans le maintien et la promotion du processus démocratique inclusif, mais aussi la construction d’une société solidaire et porteuse de cohésion sociale.

Nous sommes allés à la rencontre du directeur fondateur de l’Agence « LOCAL & GLOBAL » et président fondateur de l’ONG « ACTION ASSOCIATIVE », M Kouraich JAOUAHDOU qui a aimablement accepté de nous accorder cette interview.

Il nous a retracé son parcours professionnel riche et diversifié dans le développement des projets associatifs et la communication, entre la Tunisie et le monde, le présent et l’avenir.

Au cours de cette interview M Kouraich JAOUAHDOU a partagé son expérience et nous a présenté l’ONG « ACTION ASSOCIATIVE » à travers sa vision, ses projets concrets, ses activités et son réseau de compétences et revient sur le rôle de la société civile dans le processus de la démocratisation, la gouvernance et le développement communautaire.

Entretien

 Pourriez-vous présenter l’Action Associative à nos lecteurs ?

L’Action Associative a été fondée en mars 2012. Sa création exprime la volonté d’un groupe d’experts multidisciplinaires à contribuer au développement socio-économique et culturel de la Tunisie.

A travers sa vision, ses programmes et son financement, l’Action Associative applique les principes de l’Etat de droit, de la démocratie, du pluralisme et de la diversité, de la transparence, de l’égalité et des droits humains.

L’Action Associative s’est engagée de ne pas inciter à la haine ni à la violence et n’adopte en aucun cas des positions extrémistes discriminatoires ou d’exclusion selon le sexe, la race, la région, la religion ou le mode de vie.

L’Action Associative a été créée pour contribuer à la construction d’un rapport de confiance entre le citoyen tunisien et les institutions de l’état, au développement socio-économique et culturel des villes et des villages tunisiens, à la défense et la promotion des valeurs universelles de la citoyenneté et des droits humains et au développement des capacités des organisations de la société civile.

En quoi consiste la participation de l’Action Associative à la gouvernance et au développement communautaire ?

L’Action Associative est convaincue qu’une bonne gouvernance à l’échelle locale, donc au niveau des municipalités est une condition importante pour le développement socio-économique, culturel et environnemental de toute la Tunisie.

Les municipalités sont censées agir sur une très large palette de sujets impactant directement sur le bien-être des habitants, puisqu’en plus de l’infrastructure de base et la propreté, elles agissent sur des thèmes comme la culture, l’économie et le commerce, la jeunesse, l’éducation, le tourisme, les personnes âgées, le handicap…etc.,

Or cette action municipale nécessaire est souvent freinée par les moyens financiers et humains, ainsi que par l’absence de mécanismes et de techniques facilitant l’action municipale dans ces domaines.

L’insuffisance des moyens humains au niveau municipal est causée par un faible taux d’encadrement et une très faible attractivité de la fonction municipale.

La solution réside dans la révision des organigrammes et de la distribution des responsabilités ainsi que la formation des cadres et des employés.

Rappelons que la formation est obligatoire pour les municipalités selon le code des collectivités locales, en effet 0,5% du budget annuel de fonctionnement municipal doit en principe être dépensé pour les formations.

L’insuffisance des moyens financiers au niveau municipal est causée d’abord par l’absence de relation de confiance entre citoyens et municipalités ce qui empêche la réalisation d’une collecte fiscale locale complète. En effet, le taux de cette collecte est encore très bas pour quasiment toutes les municipalités.

La solution pour construire cette confiance réside dans l’amélioration des taux de réalisation des projets, la communication et bien sur l’application des mécanismes de la démocratie participative pour faire participer les citoyens et les associations de la société civile dans les décisions des investissements municipaux.

Par ailleurs, l’amélioration des finances municipales est conditionné également par le développement des capacités des municipalités dans les domaines de la coopération internationale, bilatérale et multilatérale.

Nous remarquons très certainement une grande faiblesse et une quasi-inactivité des commissions municipales responsables de la coopération décentralisée et de la coopération internationale. Notons que les commissions municipales doivent exister même en l’absence de conseillers municipaux élus, bien que le fonctionnement communal à travers la réunion des énergies humaines élues et administratives pourrait donner de meilleurs résultats.

L’Action Associative a déployé beaucoup d’efforts au niveau communal, et avec un grand nombre de municipalités pour développer les capacités et les mécanismes de démocratie participative, de communication, de la relation municipalité-associations et des capacités en matière de coopération internationale.

Nous croyons fermement que le travail municipal peut contribuer au bien-être de l’ensemble des citoyens et une bonne gouvernance à ce niveau impactera positivement sur le fonctionnement des autres institutions nationales, régionales et locales.

Quels sont vos projets, événements et actions réalisés cette année ?

Cette année nous clôturons notre projet CODEV’COMUN, un projet soutenu par l’agence espagnole de la coopération internationale pour le développement (AECID), et qui a permis de développer et mettre en place dans les communes de Ben Arous et La Marsa, les instruments suivants :

Un magazine municipal.

Un mécanisme participatif qui s’applique sur les domaines d’intervention de la municipalité autres que l’infrastructure de base, et qui permet aux associations d’obtenir des financements municipaux à travers un appel à projets thématique et transparent, et qui offre la possibilité  également aux citoyens de participer avec leurs idées à travers un concours d’idées citoyennes sur le même thème.

Un logiciel de gestion de la relation entre municipalité et associations qui permet de digitaliser le registre municipal des organisations de la société civile, registre obligatoire selon la loi.

Le même projet a également permis d’identifier les possibilités d’investissements municipaux pour agir sur les questions de genre au niveau communal. Cette partie du projet a été gérée par nos partenaires espagnols de l’organisation CIDEAL.

Le réseautage revêt une importance capitale pour assurer la coordination entre la société civile et les acteurs étatiques et non étatiques.

Quelle est votre stratégie de communication ?

Le réseautage doit exister quand il permet de faciliter le travail des associations notamment dans leurs 4 rôles fondamentaux : la contestation ou la dénonciation, la sensibilisation, la contribution au développement et la proposition et les plaidoyers.

L’Action Associative a toujours associé les associations actives dans les communes dans lesquelles nous avons développé des instruments participatifs comme le Budget Participatif, et notre communication sur ces sujets et envers la cible des associations locales a toujours été bien étudiée et efficace puisqu’un grand nombre d’associations se sont associées à nos actions à l’échelle locale.

Notre stratégie de communication envers elles a toujours inclus très clairement les avantages de nous associer et de renforcer notre action en commun à travers les formations de leurs membres, le développement de leurs capacités et l’assurance de leur offrir plus de visibilité à l’échelle locale.

Les supports de communication et les reportages qui documentent notre action le prouvent très clairement.

Qui sont vos partenaires et quel rôle jouent-ils ?

En général, les partenaires dépendent des sujets que nous traitons.

Jusqu’à aujourd’hui, nos partenaires ont été dans la plupart des cas, les municipalités, les associations au niveau local, mais aussi les bailleurs de fonds qui nous ont fait confiance et qui soutiennent nos projets.

Il est utile également de rappeler que nous avons toujours considéré les médias locaux comme de véritables partenaires de développement, grâce à leurs contributions professionnelles, nous avons pu mettre en œuvre les actions de communication utiles à la réalisation des objectifs de nos projets.

Quels sont vos défis / enjeux a priori et (a posteriori) ?

Le véritable défi est la construction de la confiance entre citoyens et associations d’une part et les institutions de l’état d’autre part.

Cette relation de confiance ne peut se construire qu’à travers l’application d’instruments et de mécanismes précis. Et notre action sert à développer et à mettre en œuvre ces instruments et ces mécanismes.

Nous espérons que les bailleurs de fonds continuent à accorder une grande importance au développement de la gouvernance locale.

Merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, un dernier mot pour la fin.

Nous ressentons une très grande satisfaction quand quasiment chaque année nous recevons des étudiants, tunisiens et étrangers, pour leur PFE, Mémoires de Master ou même pour leurs thèses de doctorats, et qui s’intéressent à nos projets et à nos résultats et les documentent de manière académique.

Plus que de la fierté, ceci nous rassure quant à la durabilité de ces mécanismes et que si un jour le développement local, régional ou national se basera sur les véritables études académiques et scientifiques, nos projets et nos actions pourront certainement contribuer au développement de notre pays.

 

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