La femme tunisienne en contexte postrévolutionnaire.
Après la révolution, la Tunisie a inscrit l’égalité et la non-discrimination dans la constitution du 21 Janvier 2014et en ratifiant la CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes) mais avec des réserves qui ont été abrogées par décret –loi en Aout 2011, la levée des réserves a été officiellement notifiée au secrétaire général de L’ONU en 2014.
« Le profil du genre » : un
document élaboré dans le cadre de la coopération de l’union européenne avec le
gouvernement de la république tunisienne, démarré en Janvier et validé en
Juillet 2014 ; portant sur les questions du genre et le placement de la femme
au cœur des infrastructures : socio-économiques, politiques, législatives
et juridiques.
La présente étude fournit ces
indicateurs phares :
*La participation des femmes dans
la vie économique :
-Le chômage est plus sévère chez
les femmes 21.9% que chez les hommes 12.8% d’après les dernières statistiques
effectuées par l’institut national de statistiques au quatrième trimestre 2013.
-En 2012, parmi les jeunes femmes
(25-30), seulement 41% se trouvent sur le marché de travail contre 89% des
hommes du même groupe d’âge et le taux d’activité des femmes est estimé à
25.81% contre 70.3% pour les hommes.
-Les femmes opérant dans le
secteur agricole sont assez vulnérables, elles représentent 35% des femmes
tunisiennes et 57.9% de la catégorie d’aide familiale permanente qui désigne la
main d’œuvre de la petite agriculture domestique peu rémunérée.
Après la révolution, ENDA
interarabe et la banque tunisienne de solidarité facilitent l’accès des femmes
au micro-crédit, les femmes rurales représentent 26% des bénéficiaires des
micro-crédits.
*La présence féminine dans les organes de décision,
la vie publique et politique :
*Les syndicats :
-En 2011, la présence féminine dans les syndicats n’est qu’à
hauteur de 4.2%, aucune femme n’a été élue au sein du bureau exécutif de
la centrale syndicale, or, un projet de loi interne disposant un quota d’au
moins 2 femmes dans toutes les structures de l’UGTT.
-Selon une étude publiée par le Centre de recherches,
d’études, et d’information sur la femme CREDIF : sur 700 associations, le
quota des femmes dépassant 70% des membres dans les gouvernorats de
Jendouba,Kef,Ariana,Tunis,Béja,Sfax et Gabes.
*La vie politique :
-Cette participation a été renforcée par la consécration
constitutionnelle de la parité dans les articles 34, 53,54.
L’article 34 prévoit : « Les droits d’élection,
de vote et de se porter candidat sont garantis conformément aux dispositions de
la loi. L’Etat veille à garantir la représentativité des femmes dans les
assemblées élues ».
-D’après le rapport relatif au déroulement des élections de
l’ANC, République Tunisienne/ Instance supérieure indépendante pour les
élections ISIE février 2012 : les femmes occupaient 30% des sièges au sein
de l’assemblée nationale constituante, soit 67 sur 217.
Dans le gouvernement constitué en 2014,2 femmes membres sur 22
et une secrétaire d’Etat sur 8.
*Les organes de décision :
En Janvier 2014 : le SEFF (Secréterait d’Etat de la femme
et la famille) énonce que les femmes représentent 37.4% des agents de la
fonction publique et seulement 4.4% de l’assemblée des secrétaires généraux.
La même étude révèle : 2.03% des femmes occupent des
postes de décision par rapport aux femmes travaillant dans la fonction publique
et 0.76% des femmes des femmes occupent des postes de décisions par rapport à
la totalité des agents de la fonction publique.
*Le droit à la sureté :
-En 2013 : L’adoption de la stratégie nationale de la
lutte contre les violences faites aux femmes à travers le cycle de vie dans le
cadre du programme de coopération FNUAP/ONU FEMMES et PNUD qui met en
évidence la violence faites aux femmes et vise l’amélioration, la création des
services appropriés, la sensibilisation communautaire et l’application des lois
en vigueur.
*Sur le plan législatif :
Après la révolution, la Tunisie a progressé dans le
rétablissement en fait et en droit entre les hommes et les femmes dans les
droits politiques, civiles, familiaux, économiques sociaux et culturelles.
Le préambule de la constitution du 27 Janvier 2014 dispose
que : « L’Etat garantit la suprématie de la loi, les libertés et
les droits de l’homme, l’indépendance de la justice, l’égalité en droits et en
devoirs entre les citoyens et les citoyennes »
L’article 40 stipule que : « tout citoyen et
toute citoyenne ont le droit au travail dans des conditions décentes et à
salaire équitable »
Des avancées concrètes ont été effectuées durant
ces trois années :
D’après la publication du CREDIF « les acquis juridiques
de la femme tunisienne » en 2016 :
-Un programme d’accompagnement psychologique et social était
mis en place pour soutenir les femmes à besoins particuliers telles que les
prisonnières ,ce qui leur permet d’acquérir des connaissances ,des
habiletés des attitudes essentielles à
l’exécution d’un travail permettant leur réintégration dans la vie économique
et ce, par l’organisation des sessions de formation en création de bijoux,
couture, peinture sur verre aux profit
des prisonnières de Mannouba ,Sfax ,Sousse en 2012,2013,2014,2015 pour 90 prisonnières en partenariat avec l’association
solidarité et l’association des jeunes artisans Monastir ,et les aider à
commercialiser leurs produits dans les foires et les salons nationaux de création et de l’artisanat (du 23 Avril au
03 Mai 2015).
-L’enseignement des études de genre à l’université de Mannouba
en partenariat avec le CREDIF.
-L’HAICA fondée en 03 Mai 2013 et chargée d’organiser le
domaine audiovisuel engage le licencié de diffusion audiovisuelle à respecter
les droits de la femme et la rupture avec images stéréotypées de ces dernières.
-En 2014 : Le ministère de la femme a intégré une
convention de partenariat avec le ministère de l’emploi et de la formation en
vue d’améliorer l’employabilité de la femme, consolider son intégration et prêter
plus d’appui à sa contribution au développement durable.
-Après la révolution, de nombreuses associations tunisiennes
renforcent la position de la femme, apportant de nombreux correctifs en
indiquant une voie d’évolution en tenant comptes des limitations et des acquis
de la femme tunisienne :
*2011-2012 : des sections de Sousse, Sfax, Kairouan,
Bizerte de l’association tunisiennes des femmes démocrates.
*2012 : Beity des femmes sans domicile
2012 : l’association tunisienne des femmes juristes
*2012 -2013 : les centres et associations Sawa (le
Kef),Twiza (Kasserine),Rayhana (Jendouba).
Interview avec madame Imen Klai, directrice des affaires de la femme auprès
du ministère de la femme , de la famille et de l’enfance.
*S’agissant des droits de la femme, en quoi consiste le
changement de la nouvelle constitution par rapport à l’ancienne ?
Mme Imen Klai :
La constitution tunisienne du 27 Janvier garantit l’égalité
des citoyens et de la citoyenne et cela représente un acquis par rapport à
l’ancienne constitution de 1959 qui n’a pas évoqué expressément l’égalité des
chances et la non-discrimination.
L’article 46 de la nouvelle constitution consacre la
protection des acquis de la femme, le principe de la parité, l’égalité des
chances entre l’homme et la femme quant à l’accès à toutes les responsabilités,
dans tous les domaines, et la lutte contre les violences faites aux femmes et
aux filles.
La possibilité d’accès à la plus haute charge ; la
présidence de la république est garantie par les dispositions de l’article 74
de la nouvelle constitution, ce que ne permettrait pas la constitution de 1959.
*Comment se profile le développement des droits de
la femme tunisienne depuis le printemps arabe ?
Mme Imen Klai : Le
ministère de la femme, la famille et l’enfance a élaboré une stratégie de plaidoyer
pour l’adoption du :
Projet de la loi
intégrale contre la violence à l’égard de la femme, envisageant trois
aspects de lutte contre la violence.
*La sensibilisation : consiste à établir un plan national
de sensibilisation, des compagnes d’information sur les violences faites aux femmes,
la non-discrimination, mener des enquêtes régulières en vue de collecter toutes
les données sur tous les types de violence à l’encontre des femmes et des
filles.
*La prévention : Par la formation et la sensibilisation
des médias ; mettre fin aux images stéréotypées des femmes.
*La prise en charge :
Il s’agit d’ordonnances d’éloignement de l’auteur des violences
afin de protéger les femmes menacées et les sécuriser en leur assurant un
logement secret.
-la mise en place d’un réseau de partenaire : médecine légale,
structures sociales pour répondre immédiatement aux besoins des victimes et
l’installation des cellules d’urgence médico-psychologiques pour soutenir les
victimes sur toute la Tunisie.
-L’aide à la réinsertion sociale des victimes : formation
de différents intervenants : police, corps médical, justice.
Le ministère de la femme a établi un cahier de charge associé
aux centres d’hébergement des femmes violentées en 2013 étant révisé en 2014 et
2015.
Depuis 2012, le ministère a travaillé sur l’installation d’un
centre étatique basé au grand Tunis ayant pour rôle : l’accueil des femmes
violentées, l’hébergement, l’écoute et l’accompagnement des victimes et leurs enfants.
-Le ministère de la femme a mis en place une ligne verte :80101030
pour recevoir les appels de détresses des femmes violentées.
Vers l’abrogation de l’article 227,227bis du code
pénal
Le viol commis avec ou sans violence :
L’absence de précision dans les deux articles 227 bis
et 228 bis : l’acte fait sans violence est considéré comme un acte
consenti.
Le code pénal distingue entre le viol et l’attentat à la pudeur :
Le viol est incriminé dans l’article 227 et l’attentat à la
pudeur est incriminé dans l’article 228.
Comment est-ce que vous expliquez la faible
effectivité des droits consacrés à la femme à l’heure actuelle ?
Mme Imen Klai : La
société n’est pas encore enracinée dans la culture de l’égalité et n’est pas
encore détachée de la manne masculine, les dispositions législatives aujourd’hui,
comprennent de nombreuses discriminations à l’égard des femmes malgré la
consécration de l’égalité dans la jouissance de ses droits dans la constitution
et les traité internationaux telles que : les inégalités dans le code de
la nationalité, les inégalités dans le code du statut personnel en terme de
mariage et de la famille, les inégalités dans la jouissance dans l’exercice des droits économiques.
Il faut souligner également, que l’évolution des droits de la
femme est une approche multidisciplinaire qui fait appel à l’expertise de
plusieurs acteurs et à la fois participative qui met en jeu des acteurs
étatiques et non-étatiques, notamment la coordination entre la société civile
et les parties étatiques.
--------------------------------------------------------------------------------------------
Nouveautés :
*La consécration de la parité par la modification de l’article
49-9 de la constitution : il s’agit de l’adoption de la parité horizontale
et verticale pour les prochaines élections municipales et régionales par
l’assemblée des représentants du peuple.
*Le 17 Juin 2016, le ministère de la femme, de la famille et
de l’enfance et le président de la confédération des entreprises citoyennes de
Tunisie CONECT ont signé un accord de partenariat dans le but de renforcer la
participation féminine dans la vie économique et garantir et l’assistance technique
et l’accompagnement des jeunes promotrices.
*La ministre de la femme a annoncé un nouvel accord de
partenariat entre le ministère et la banque tunisienne de solidarité pour le
lancement des crédits sans intérêts de 10000 à 30000 dinars dans le cadre
d’encouragement et de cadrage des femmes et des filles rurales.
-------------------------------------------------------------------
Sources :
*Les acquis juridiques de la femme tunisienne 2016
*Etat du droit tunisien sur les violences faites aux femmes et
aux fille 2014
*Profil genre de la Tunisie 2014
*La constitution tunisienne du 27 Janvier 2014
Commentaires
Enregistrer un commentaire