La pandémie de COVID-19 s’est développée en Tunisie depuis le 2 mars 2020, afin d’endiguer le virus, le chef du gouvernement a annoncé le 20 mars 2020 le confinement total sanitaire en Tunisie.
De facto, les établissements scolaires et universitaires ont fermé leurs portes, affectant ainsi le quotidien des élèves et étudiants tunisiens.
A l’instar de nombreux pays, la Tunisie s’est tournée vers l’apprentissage à distance pour rattraper le retard pris et assurer ainsi la continuité pédagogique durant cette période de fermeture déstabilisante.
C’est dans ce contexte éprouvant que la RLF rejoint Mme Rim ALOUANE, professeur de français, animatrice d’un club de cinéma depuis 2006 à Tozeur, activiste de la société civile, et mère de famille.
Une femme tunisienne en devenir, animée par une grande ambition et par l’envie de changement, la jeune professeure nous accorde cette interview à cœur ouvert par une belle matinée ensoleillée du mois de juillet à Tunis. Entretien.
Comment avez-vous vécu le confinement, autrement dit, comment avez-vous vécu votre éloignement du lycée, de l’équipe éducative et de vos élèves ?
Le confinement fut pour moi une expérience aux multiples facettes :
Au début, j’ai abordé le confinement avec « philosophie » en me disant que d’une façon ou d’une autre, j’ai toujours été confinée dans ma bulle, jonglant entre mes mondes intérieurs et qu’on est tous adeptes du confinement, notamment quand on cache nos frustrations et notre moi authentique. Alors, le confinement ne sera qu’un autre masque à porter, une autre paire de gants à enfiler.
Ensuite, je suis passée à la phase » des objectifs à atteindre ».
Me trouvant face à mes pires frayeurs à savoir la stagnation et la maladie, j’ai essayé de les surmonter en me fixant des objectifs plus audacieux les uns que les autres : repeindre la maison, écrire un livre, changer mon alimentation…Enfin de compte, je me suis retrouvée avec une assiette de « Youyou » en train de commenter les publications sur Facebook et regarder une quantité interminable de » live ».
Petit à petit, je plongeais dans un vrai délire. A force de passer mes journées à regarder les séries et à lire les polars tout en essayant vainement de distraire mes enfants, j’avais l’impression de faire le va et vient entre la fiction et la réalité. Je rêvais des personnages de fiction et au réveil, je sursautais en réalisant que j’étais dans cet interminable dimanche.
Je stressais à l’idée que Poirot ne trouve pas l’identité de l’assassin ou de voir mes enfants qui tournent en rond, grandir d’un coup à la manière des films égyptiens.
j’ai créé pour eux, un groupe sur Facebook « du coq à l’âne » dans lequel, il m’arrive de publier des supports audiovisuels en rapport avec les programmes officiels.
Comment avez-vous gardé le contact avec vos élèves ?
L’éloignement de mes élèves et du cadre professionnel, n’a pas été une aubaine.
J’ai essayé de garder le contact avec mes élèves notamment par le truchement des réseaux sociaux.
En effet, on a créé un groupe sur Messenger pour communiquer, échanger des idées et faire des jeux en rapport avec le français.
Avec les élèves du bac, mon rôle était surtout un rôle d’assistance et de soutien : j’ai créé pour eux, un groupe sur Facebook « du coq à l’âne » dans lequel, il m’arrive de publier des supports audiovisuels en rapport avec les programmes officiels.
Comment évaluez-vous l’expérience du e-learning en Tunisie ?
Le confinement a donné l’occasion aux enseignants d’essayer le
e-learning qui a été assuré de diverses façons en particulier avec l’application zoom, les lives sur Facebook et les vidéos.
Cette solution provisoire, nous a certes aidé à garder le contact avec les élèves et à assurer la continuité des cours cependant, elle est loin de remplacer les cours en classe.
En effet, le contact visuel est quasi – inexistant de façon qu’il est difficile de vérifier si les élèves prêtent attention aux cours surtout si on se trouve parfois nez à nez avec le petit frère qui joue ou avec la maman qui par excès de zèle surveille son enfant lors des cours.
Sans oublier, la mauvaise qualité du débit qui bien souvent nous joue des tours et nous oblige à interrompre les cours.
Côté enseignants, force est d’admettre que l’implication et l’enthousiasme ne sont pas toujours au rendez-vous, avec le e-learning, vu que l’absence d’interaction rend la leçon monotone : en temps normal ce sont les réactions des élèves et leurs remarques qui enrichissent le contenu pédagogique des séances.
Finalement, aussi enrichissante soit-il, le e-learning reste un privilège pour les personnes qui ont accès à internet, c’est à dire, à un nombre très réduit de tunisiens, ce qui porte atteinte à l’égalité des chances.
Suite à la pandémie du COVID-19 et afin de circonscrire le virus, il a été décidé de reporter les épreuves de la session principale du baccalauréat 2020 ainsi que celles de la session de contrôle au mois de juillet 2020.Dans ces conditions le découragement s’installe plus facilement chez les bacheliers.
Enseignants, comment motivez-vous vos élèves ? Comment ont-ils vécu cette crise ?
Les élèves du bac ont vécu des moments très difficiles : ils sont passés tour à tour du doute, à la perte de confiance et au dégoût.
Ils avaient besoin d’être motivé mais surtout d’être entendu pour qu’ils extériorisent leurs peurs.
J’ai essayé aussi bien que mal d’absorber leurs doutes, de leurs montrer que je crois en eux et de leur redonner confiance. Adorant raconter les histoires, j’ai profité de toutes les occasions possibles pour leur raconter des « success story » afin de leur transmettre des ondes positives et de les aider à ne pas trop se focaliser sur la difficulté.
L’humour aussi est un très bon allié vu qu’il permet de baisser la tension et de dédramatiser la situation.
Quel message souhaitez-vous transmettre à vos élèves ?
Je voudrais d’abord dire à mes élèves que je les aime et que je suis extrêmement fière d’eux. À mes yeux, ils sont tous des héros, ou des » Super-élèves » car malgré les circonstances exceptionnelles, ils se sont surpassés, ils ont tenu bon et c’est déjà une réussite en soi.
Je veux également leur dire que je crois en eux, en chacun d’eux et que je suis sûre qu’ils seront à la hauteur de leurs rêves.
» Keep going les enfants ! »
Propos recueillis par Ghofrane GMATI– RLF Média
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