TUNISIE – ART : Wafa TOUIHRI : « Mon inspiration est surtout puisée dans la création d’un art constructif ».
Ce mois, la Radio Libre Francophone vous présente l’artiste peintre Mme Wafa TOUIHRI, enseignante chercheure en sociologie, émotionnée par le rêve du continent africain, elle nous décrit sa fascination irrésistible de l’Afrique.
Mme THOUIHRI nous raconte ses débuts, sa passion ardente pour la peinture, son processus créatif et tout plein de choses encore !
On ressent de votre part un énorme penchant pour l’Afrique, qu’est- ce que travailler sur un thème africain pour vous Mme Wafa ?
Oui, j’ai un grand penchant pour l’Afrique, je me nomme même amoureuse de l’Afrique. « Africaine et fière de l’être » c’est le slogan qui s’intègre complètement dans mon mode de vie, je me nomme d’ailleurs « Wafafrique ».
Cela signifie que je suis fidèle à mon continent. Je mets en avant ma facette identitaire africaine et ça m’incombe de mettre en valeur cette identité et affirmer ses symboles et son positionnement. Ce penchant a commencé depuis mes 19 ans, j’étais à l’époque hôtesse de l’air et j’ai fait plusieurs vols vers l’Afrique, j’ai visité plusieurs pays africains dans le cadre de mon travail : Le Sénégal, La Côte d’Ivoire. Ce fut le coup de foudre !
J’ai réalisé qu’on appartient à un continent gigantesque plein de joie de vivre et doté d’un immense potentiel de créativité.
Lors de mes promenades touristiques dans les marchés africains, dans les musées et les ruelles, j’ai eu un déclic et j’ai commencé à m’inspirer et m’imprégner des formes, des couleurs, des images, qui certes sont différentes des nôtres mais en même temps renvoient cette chaleur familiale typiquement africaine.
C’est l’africanité, ce sentiment profond d’appartenance, d’amour de reconnaissance à ce merveilleux continent !
C’était mon premier contact avec l’Afrique, qui m’a intriguée pour aller plus loin et me lancer dans les recherches afin de découvrir l’Afrique, ainsi me réaffirmer dans ma tunisianité et mon africanité.
Mon parcours de recherche portait sur l’Afrique et je l’ai approfondi dans ma thèse de doctorat sur les migrants subsahariens en Tunisie.
La découverte de leurs cultures a renouvelé mon regard sur ce continent, de voyager et d’enrichir ma perception des choses.
Par conséquent, j’ai saisi cette opportunité pour repenser notre identité tunisienne et sa facette africaine très prononcée qui doit être promue et renforcée.
Où puisez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration est surtout puisée dans la création d’un « art constructif », je m’inspire de tous les sujets qui porte un sens qui portent un message ou des informations, un sujet qui sert à fédérer, à instruire et à inculquer les valeurs morales et culturelles en vue de donner les valeurs sociales désirables.
A propos de mes sujets sur l’Afrique, je me suis inspirée des voyages que j’ai faits, de la réalité que j’ai observée de très près à travers les paysages variés et enchanteurs de la région, et depuis, je me suis engagée à passer un message très puissant à travers ma passion pour la peinture : communiquer et interagir aisément les uns avec les autres dans une finalité instructive par l’intermédiaire de la sociologie.
En tant qu’enseignante et sociologue, ça me tient à cœur de mettre à profit ma passion pour la peinture pour enrichir mon cours et renforcer ma pédagogie en vue d’inculquer fluidement les différentes notions de la sociologie, autrement dit, ancrer les apprentissages en profondeur.
Pour revenir au cœur du sujet de l’Afrique, mon continent m’intéresse beaucoup, m’a permis de découvrir l’autre que je ne connais pas et surtout m’a permis de tracer mon identité africaine dont je suis extrêmement fière.
En outre, mon identité tunisienne a fait l’objet de plusieurs conférences que j’ai animées et s’est située au cœur des projets artistiques que j’ai réalisés avec mes étudiants et mes élevés et cela s’inscrit dans plusieurs disciplines telles que, la sociologie, l’histoire, l’art plastique …
C’étaient des projets transdisciplinaires qui m’ont réunie avec des étudiants de sciences politiques, ainsi, on est arrivé à établir cette interdisciplinarité entre la sociologie, la politique, l’histoire et l’art plastique.
A cet effet, on a discuté essentiellement sur le genre via la peinture, d’ailleurs j’ai eu la chance de rencontrer des gens de nationalités diverses qui se sont exprimés à travers leurs tableaux pour mettre au clair leur vision sur la question du genre.
Ce projet m’a armée d’une base théorique, ça ce qu’on appelle la sociologie de l’éducation, ce qui m’a permis de travailler sur des pratiques d’enseignement, notamment, la pédagogie par projet, cette pédagogie active qui produit les apprentissages à travers la production concrète d’un projet artistique collectif ou individuel.
Mais pas que, à l’occasion du 60e anniversaire de notre faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, on a organisé un évènement intitulé « Vive les sciences humaines ! ».
Mes élèves ont réalisé un travail fabuleux en se basant sur leurs recherches portant sur les 8 disciplines des sciences sociales qui ont été illustrées par des tableaux de groupe.
Vous êtes sociologue de formation, existe-t-il un lien entre votre métier et votre art ?
Chacun de mes tableaux établit un lien entre la sociologie et ma passion pour la peinture, j’ai alimenté mes tableaux avec cet aspect, je lie entre l’art et la sociologie, la recherche esthétique et a recherche scientifique. Ça me rappelle d’ailleurs mes professeurs de sociologie de l’art qui estiment que le beau et le laid sont culturellement définis comme étant des valeurs relatives au groupe, à la société à un moment donné de l’histoire, ainsi, les artistes ne peuvent pas se détacher de l’aspect social et la société d’une manière générale.
Selon moi, on est là pour exercer une fonction, remplir un rôle très important, atteindre l’équilibre social à travers l’art.
Je pense que je contribue à la socialisation, comme ça je joue un rôle important dans le fonctionnement du tissu social.
Quelle œuvre vous représente le mieux (une de vos œuvres) et pourquoi ?
L’œuvre du marché africain me représente beaucoup puisque c’est l’œuvre qui représente la femme africaine, cette femme polychrone, qui réalise plusieurs choses en même temps, elle vend, achète, négocie, consomme et chapeaute toutes les activités de sa famille.
Elle est la mère, l’épouse, la fille et la bien aimée.
Quels sont vos mouvements de peintures préférés ?
Je me suis inspirée sur le plan technique du romantisme en peinture apparu à la fin du XVIIIᵉ siècle et les œuvres d’Eugène Delacroix et l’expression des sentiments qui a marqué cette époque, passant par l’impressionnisme apparu à la moitié du XIX siècle en France qui m’a profondément influencée.
Quelles sont vos aspirations artistiques Mme Wafa ?
J’aspire à atteindre ce « niveau technique artistique » qui me permet de ressentir cette « vibration » provenant du contraste de couleur, de l’intensité de lumière et des valeurs relatives aux différentes couleurs sans tracer des contours très durs. Décidément, c’est cette vibration qui fait surgir le tableau et qui fait subtilement passer mon message en toute élégance.
A long terme, je tends à mélanger les différents courants artistiques ; amalgamer le romantisme avec l’impressionnisme et pourquoi pas le pluralisme avec l’art abstrait, toujours avec l’objectif de former un art constructif destiné à délivrer un message.
De ce fait, ça me tient à cœur de m’exprimer à travers mes tableaux et d’illustrer le message que je souhaite émettre selon ma vision du monde, ma manière d’être et mon style artistique.
Le 7 mars vous avez participé au colloque « Women migrant leadership » qui s’est tenu à Delta center à l’occasion de la journée mondiale de la femme. Pourriez-vous nous parler plus spécifiquement de votre exposition de peinture « Wafafrican women » ?
Mon exposition « Wafafrican women » s’est tenue dans le cadre du colloque « Women migrant leadership » à Pacha Center, je vous invite à regarder la vidéo qui montre mes tableaux présentés en la matière.
Dans le cadre de la prévention du COVID-19, la culture a subi l’impact du virus, le ministère des Affaires culturelles et autres organismes et institutions culturelles tunisiennes ont annoncé le report ou l’annulation de plusieurs manifestations culturelles, cette annulation a concerné bien évidement mes expo-conférences telles que celles prévues à l’occasion de la fête de la femme tchadienne et ivoirienne le 22 mars et le 28 mars et l’évènement organisé par le CREDIF vers la mi-avril.
A cela s’ajoute, l’expo-conférence qui se tient chaque année en guise de la fête de l’indépendance de la Tunisie qui rassemble des élèves de 6 à 13 ans autour d’un projet de recherche sur l’histoire de la Tunisie réalisé par ces groupes de peintres en herbe encadrés par moi-même.
Ce projet portait le slogan SHARTE (études Socio-Historiques et Apprentissage Artistique) et fait l’objet d’une exposition de cinq œuvres artistiques collectives sur les grandes périodes de la Tunisie : civilisation Carthaginoise, domination Romaine, conquête Arabe, la période beylicale et l’indépendance.
Cet an, on a travaillé sur la civilisation capsienne, mes élèves ont exposé leurs œuvres et présenté les symboles historiques illustrés dans leurs œuvres collectives.
Pour lors, les jeunes artistes ont eu l’occasion de concrétiser les moments charnières de l’histoire de la Tunisie. Ils se sont dit fiers de leur appartenance avec beaucoup d’espoir pour l’avenir.
Lien de la vidéo YouTube susmentionnée :
Par Ghofrane GMATI
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