Tunisie : Une loi contre la discrimination et après?
Le gouvernement tunisien est le premier gouvernement dans le monde arabe qui reconnait l’existence
du racisme en Tunisie ; une kyrielle de questions nous trotte dans la tête
à propos de la nouvelle loi de lutte contre le racisme récemment mise en
vigueur.
A cet égard, Mme Ghayda Thabet met le doigt sur la plaie et nous accorde cette interview
Comme on le sait l'Association Tunisienne de Soutien des Minorités a vivement contribué à la rédaction de ce projet loi.
Comment pouvez-vous nous présenter la loi de lutte contre la
discrimination raciale en Tunisie?
Depuis 2012 l’ATSM avait
constaté le déni du racisme qui réside au cœur de la culture tunisienne
particulièrement dans le vocabulaire du dialecte tunisien. L’ATSM vise à
promouvoir la culture de la coexistence. Elle souhaite par ses actions
sensibiliser le maximum de la population à devenir des citoyens actifs dans la
lutte contre le racisme et la discrimination.
Depuis 2015 avec le
lancement de ce projet de loi contre le racisme, l’association tunisienne de
soutien des minorités (ATSM) a contribué activement par son expérience en la
matière par sa présence dans les consultations de la société civile qui se sont
tenues à plusieurs reprises afin d’avoir une loi qui reflète la réalité de la
situation qui est très connue par l’ATSM vu qu’elle mène le combat depuis 2011.
L’une des suggestions de
l’ATSM est que ce projet de loi organique de lutte contre la discrimination
raciale doit englober les différentes formes de discrimination.
Durant l’auditionnée par
la commission parlementaire des droits et des libertés au sujet de ce projet de
loi, l’ATSM qui a été représentée par 6 militants du bureau de l’’association,
ont mis l’accent sur la nécessité d’inscrire les autres formes de
discrimination basées sur la religion et le genre. Lors de l’audition au
parlement, la présidente Yamina Thabet a, également, jugé indispensable de
revoir les termes “Acceptation de l’autre” et “Tolérance” car ils renvoient à
une certaine connotation de supériorité d’une race sur une autre.
Il faut remonter au lundi
20 nombre 2017 où moi, Ghayda Thabet, chargée de communication à l’Association Tunisienne
de Soutien des Minorités, j’avais ouvertement souligné la nécessité de prévoir
dans ce texte la mise en place d’une structure dont la mission sera de veiller
au suivi et au respect de ses dispositions ainsi que la nécessité d’harmoniser ce
projet de loi avec le code pénal et de changer et d’inclure les principes de
tolérance et de différence dans les manuels scolaires. Ce qui est positif c’est
que cette suggestion fut inclue dans l’article 11 de ce projet de loi prévoit
la mise en place d’une commission nationale de lutte contre la discrimination
raciale ce qui est positif. Mais l’ATSM demande à ce que cette structure doit
représenter les associations qui ont lutté fermement et activement à cette
cause.
Comment est ce que vous expliquez la
multiplication des agressions racistes
fondées sur l'origine éthique ou racial, le genre, les convictions
religieuses, l'orientation sexuelle...en Tunisie?
Il y a plus de trois
siècles que l’esclavagisme fut abolit en Tunisie à la suite du décret Beylical
promulgué un 23 janvier 1846. Mais, malheureusement le racisme n’a pas disparu
de notre société.
Les violences ont toujours existées, sauf
qu’elles peinent à être médiatisées même après la révolution, la faute à une
absence de responsabilité quasi-collective. Il y a un terrain favorable à la
discrimination : l’ignorance de l’identité tunisienne, ignorance de
l’histoire de la Tunisie ceci à travers les manuels scolaires d’histoire qui ne
disent aucun mot sur l’histoire du christianisme, judaïsme en Tunisie ainsi que
l’histoire de la traite des noirs dans ce pays. Il faut remettre les pendules à
l‘heure pour que chaque partie de la société assume ses responsabilités face à
la lutte contre la haine, le racisme, l’antisémitisme et la Christianophobie. La
famille et l’école ont leur rôle à jouer pour éradiquer les discriminations en
Tunisie, mais ils ne sont pas seuls responsables. Une éducation citoyenne toute
entière est à revoir, tous les acteurs sociaux doivent apporter leurs pierres à
l’édifice, notamment les organisations professionnelles.
J'entends quoi par la mise en place d'une stratégie nationale pour
changer les mentalités en Tunisie.
Vous, qu'est-ce que tu proposes concrètement pour changer les mentalités
tunisiennes et faire vivre au quotidien la non-discrimination?
Le changement de
mentalité est un processus de longue haleine qui demande patience et
persévérance.
Depuis la création de
l’ATSM nous avons constaté au fil des années deux phases distinctes :
La lutte contre le
déni : Là je parle du citoyen lambda qui accuse le tunisien converti au
christianisme d’apostat, traite le noir d’esclavage et insulte le juif avec les
propos antisémites. Malgré tout ceci, il te dit « Je ne suis pas
Raciste ! ». Par exemple grâce aux communiqués de dénonciation de
l’ATSM suite à chaque acte et agression raciste, les conférences, les SPOTS de
sensibilisation, nous avons constaté un changement dans l’opinion publique qui
s’est réveillé de son silence. Là, on parle de facebookers qui nous envoient
des captures d’écran de commentaires racistes, des vidéos des déclarations de
personnalités publiques qui portent des propos haineux et discriminatoires etc.
Actuellement, c’est l’axe
législatif pour l’adoption de la loi contre le racisme, en attendant la
concrétisation de la Cour Constitutionnelle où on passera à une autre phase de
lutte contre les décrets et les lois non constitutionnels.
En bref, il faut toujours
une élite pour tirer vers le haut. La société civile tunisienne a brusqué
positivement la pensée et l’état de stagnation dans lequel se trouvait le
citoyen au quotidien. On est optimiste car de nouveaux réflexes face aux actes
discriminations ont été adoptés par plusieurs citoyens dotés d’une volonté de
changer d’avancer.
Je
te laisse libre cours pour nous parler des 3 derniers événements que
l'association a récemment organisés.
Nous avons entamé un cycle
de séminaire qui porte sur le dialogue interreligieux :
Les 3 dernières rencontres étaient des
séminaires œuvrant pour la coexistence religieuse. Même le choix du lieu de la
dernière rencontre était choisi afin de montrer une page de l’histoire
chrétienne en Tunisie. « La bibliothèque diocésaine ». Les
séminaires étaient garnis par des panelistes représentants des diverses communautés
religieuses en Tunisie :
L’objectif de ce cycle de
rencontres pour la coexistence religieuse est de lever les préjugés et faire
tomber les barrières entre les diverses confessions en Tunisie en permettent
aux participants de poser leurs questions et avancer toutes les idées, dont la
plupart sont erronées à cause des stéréotypes ancrés dans le subconscient
social, qu’ils ont pu recevoir.
Le nombre de participants
était très élevé. Ceci reflète l’intérêt que porte le citoyen tunisien pour ce
genre de sujet qui suscite sa curiosité et sa volonté de connaitre l’autre en
cassent les idées reçues.
Que répondre à une injure raciste ?
Par la dénonciation en
insistance sur le fait que ça soit immoral en attendant à ce que ça soit
illégal avec l’adoption de la loi.
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